jeudi 6 mai 2010

De travers


Planait toujours cette vieille idée qu’elle était tombée amoureuse de travers. Voire en vrac. Tombée tout court. Sur lui comme s’il était un autre. En biais parce que pas la place pour elle tout entière. Il avait fallu s’immiscer. L’ampleur du sentiment avait finalement craquelé la patine. Rayé le vernis. Elle réparait parfois à coups de peau lisse. Il était la crème des hommes, mais la membrane avait séché puis cédé. Pas la place. C’est complet. Un strapontin avait longtemps fait l’affaire. Elle en avait usé le doux velours. Elle en voyait désormais la trame. Salie. Le rouge avait viré au noir. Ambiance eau croupie. Le bois avait pourri aussi. Crac. Par terre. Elle finirait à pied, pas la peine de la déposer. Elle avait mal aux chaussures trop petites pour elle. Pas les siennes. Lui fallait une autre pointure sinon ça brûle. Dernière paire. Coûte que coûte. Pas sa taille. Et jolie couleur. Du beau cuir. Pourtant… Va falloir circuler, ma p’tite dame. C’est complet. Tenue correcte exigée. Pansements interdits. Même en cas de cœur aux pieds. Circulez. Encore cette fois elle courrait. Pieds nus après les pompes. Le cœur en laisse. Ecorché contre la chaussée. Ratatiné pour que ça rentre. C’est complet ! Un troisième balcon, s’il vous plaît. Elle acceptait de voir de loin mais de haut. Plus haut que ces minuscule chaussures de tout petit. Très haut bien à plat sur ses pieds. Stabilisée. A sa taille. Grande. La tête en dehors du décor. Le lorgnon qui penche vers dedans. Qui grossit la chaussure. La transforme pour trois. Mais non. C’est complet. Les coutures finiraient par lâcher. Plus rien pour retenir. Pas même un lacet. Pas même enlacée : c’est complet. Il n’avait que deux bras et une paire de chaussures trop petites pour elle.

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